Edouard Manceau et Rudy Martel assis côte côte sur une chaise, dans un jardin

Lettres d'automne, journée pro : rencontre entre Rudy Martel, éditeur de benjamins media et Édouard Manceau, auteur-illustrateur.

25 Novembre 2021

Rudy Martel, directeur et éditeur de benjamins media, et Edouard Manceau, auteur-illustrateur pour la jeunesse, sont invités à parler de leur étroite collaboration lors de la journée professionnelle du festival Lettres d'automne à Montauban. Ca sera le jeudi 25 novembre, de 9h15 à 11h00 à l'auditorium du centre universitaire de Tarn-et-Garonne. Entrée gratuite, sur inscription. 

Quand Édouard et Rudy se sont rencontrés dans le Cantal, Clic, ils ne se sont plus quittés, Clac. De leur rencontre est né un livre sonore pour tout-petits qui marquera l’histoire du livre sonore jeunesse en France : « Clic Clac ». « Clic Clac », livre CD maintes fois réimprimé depuis 2014, est le seul livre sonore du catalogue de l'éditeur montpelliérain à ne pas pouvoir se lire sans s'écouter... mais vraiment. Et c'est là la particularité des livres sonores d’Édouard Manceau édités par benjamins media : ils sont conçus pour vivre une autre vie : une vie faite de sons et de silences. Les livres d’Édouard, quand on les lit et qu'on les écoute, prennent un autre relief, une autre dimension. Les deux supports ne se recoupent pas, ils se complètent. Et puis chaque livre est conçu comme un objet unique aussi. Pas de redite entre « Clic Clac », « Pompons », « Salsa ! » ou, à venir, « Une histoire d'amour », mais juste le désir de vouloir familiariser les tout-petits à la musique, d’où qu'elle vienne. Chaque livre, au-delà des mots, des histoires, est un livre qui donne à voir et à entendre des notes, des rythmes, des nuances. Les livres valorisent l’enfant et lui disent : tu as le pouvoir, du haut de tes 15-20 mois ou de tes 2-3 ans, de comprendre cette partition musicale. Car les livres sonores d’Édouard, s’ils élèvent les lecteurs, partent déjà du principe que les enfants sont intelligents. Pour mieux mesurer le soin apporté par Édouard et Rudy à la mise en forme sonore des livres sonores benjamins media, les participants à la journée professionnelle seront mis en situation acousmatique…

Rudy animera également des ateliers J'écoute dans le noir le jeudi après-midi et le vendredi toute la journée. Plus d'infos ici : https://www.confluences.org/lettresdautomne-2/

Edouard Manceau, génial créateur de livres sonores, répond à nos questions

Le festival littéraire "Lettres d'automne", du 15 au 28 novembre à Montauban, fait un focus sur benjamins media et, plus particulièrement, sur notre collaboration avec le grand auteur pour les tout-petits, Édouard Manceau. C'est ainsi que ce jeudi matin, le 25 novembre, Rudy Martel et Édouard Manceau participeront à la journée professionnelle. A cette occasion, nous avons interviewé Édouard et, sans surprise, ses réponses, comme ses livres, sont riches d'idées.

1. Tu as écrit et illustré une centaine d'albums. Jamais en panne d'inspiration ?

J’en ai écrit plus de cent, mais ils sont toujours assez courts. Je fais des courts-métrages.
Quant à la panne d’inspiration, je ne connais pas. J’ai toutefois des périodes plus intenses et d’autres plus tranquilles. Ça colle au fil de ma vie…

2. Tu dis souvent « je ne suis pas auteur ». Qu'entends-tu par là ?

Je dis surtout que je ne suis pas auteur-illustrateur, alors que c’est toujours comme ça que l’on définit ceux qui font, seuls, des albums comprenant texte et images. Mais cette dénomination d’auteur-illustrateur ne me convient pas du tout. Elle implique en effet que je ferais se côtoyer deux langages, celui du texte et celui de l’image. Je me définis plutôt comme quelqu’un qui utilise un seul langage. Le texte et l’image sont absolument indissociables, formant une seule et même matière. C’est cette matière que je travaille. Même si ça peut apparaître prétentieux, le terme dans lequel je me retrouve le mieux est celui de « créateur ».

3. Tu es, à mon avis, l'un des meilleurs illustrateurs pour la petite enfance. Il y en a d'autres, mais vous êtes peu nombreux à être aussi pertinents avec ce public-là. Qu'est-ce qui rend un album particulièrement adapté aux tout-petits ?

Merci pour le compliment. J’ai du mal à mettre des mots sur ce qui rend un album particulièrement adapté aux tout-petits. Mais je sais quand même une chose essentielle, c’est que les petits lecteurs ont un accès direct aussi au jeu. Pour moi, tout est là : je dois jouer quand je crée. D’ailleurs les livres que je préfère dans ma production sont ceux où j’ai retrouvé la fraicheur de l’enfance, où j’ai joué. Et évidemment, les enfants ne s’y trompent pas. Je dois dire qu’il y a beaucoup de livres soi-disant faits pour les petits qui ne le sont pas du tout et qui me mettent en colère. Je déteste le cynisme et tout particulièrement quand il vise la petite enfance.

4. Si je te dis « son », à quoi penses-tu ?

Comme ça, spontanément, à un oiseau qui chante et à une vibration. Et puis, si je creuse, à un univers inconnu de beaucoup de gens qui sont happés par le grand livre d’images qu’est devenu le monde d’aujourd’hui. Pourtant omniprésent, très influent, le son est trop souvent relégué au second plan. Alors qu’il est pourtant essentiel. Un des artistes qui a le mieux parlé du son est John Cage avec son morceau 4’33’’. C’est un morceau où il est demandé au pianiste de ne rien faire d’autre que de rester immobile. Ainsi pendant 4’33’’ on entend les sons alentours qui habillent le moment présent. Fascinant.

5. Parmi tes livres, quelques livres sonores, tous parus chez benjamins media. On travaille différemment selon ce qu'on propose, un album ou un livre avec du son ? Ou la démarche est la même ?

Fondamentalement, la démarche de création, celle qui implique le jeu comme je le disais est la même. Je suis dans le même état. Mais mon langage de créateur a en plus la merveilleuse possibilité d’ajouter du son. Je fais des courts-métrages disais-je et de temps à temps, c’est très agréable de faire des courts-métrages incluant du son et/ou de la musique. C’est aussi simple que ça. Mais attention ! le son ne doit pas être décoratif comme dans beaucoup de films. Le son est un acteur à part entière, aussi important que l’image ou le texte.

6. Tu fais cavalier seul quand tu réalises des albums, mais tu aimes collaborer pour la conception des livres sonores : pourquoi ?

Parce que j’aime les musiciens et que leur langage ne vient pas perturber ma matière d’écriture. Leur langue épouse la mienne. On joue ensemble, comme un petit orchestre.

7. Tu dirais que la plupart de tes livres sonores sont le fruit de rencontres ?

Tout à fait ! Spontanément je ne l’aurai peut-être pas fait. Avant d’écrire « Salsa ! », je n’avais rencontré Jenna Bersez que durant deux petites heures. Mais je l’ai vue jouer devant des enfants et j’ai tout de suite saisi qu’elle avait tout compris des tout-petits. Elle est généreuse et très respectueuse. Comme dit Jeanne Ashbé, elle sait « se hisser à leur hauteur » et ça m’a donné l’impulsion.

8. Parle nous de ton projet de livre sonore avec ton frère...

C’est difficile d’en parler, si ce n’est que je sais depuis toujours que mon frère est un musicien. On ne sait pas toujours pourquoi on fait les choses, on sait juste que l’on en a envie. Ça sonne comme une évidence. Ça va raconter une histoire d’amour, thème pas souvent développé chez les tout-petits, alors qu’ils ont très souvent très tôt des amoureux et des amoureuses. J’en ai les contours, ça apparaît tranquillement, je laisse venir l’histoire qui est en train de s’installer paisiblement. Il faut du temps pour créer, laisser du temps au temps. Ça va s’appeler « Une histoire d’amour ».

9. « Clic Clac », ton premier livre sonore (on est d'accord ?) est un album emblématique dans le catalogue de l'éditeur montpelliérain. Qu'est-ce qui fait sa singularité ?

C’est en effet mon premier livre sonore. Pour moi le scénario n’est pas le plus important dans Clic Clac. L’essentiel est ce qu’il demande comme écoute, et puis ce jeu de devinettes sonores qui est un régal pour les petits. Il est encore une fois question de jeu. J’adore regarder des enfants qui écoutent Clic Clac, leurs yeux sont tournés vers l’intérieur.

10. quelle est la place de la musique dans ta vie ?

C’est par la musique que mon père, qui était un taiseux, communiquait avec nous. Il n’y avait pas de plus beau langage pour lui. La musique promenait des sentiments dans toute la maison. Il n’y avait souvent rien à ajouter. Il me répétait souvent que la plupart du temps, dans son quotidien, les gens racontaient n’importe quoi et qu’écouter Mozart, John Coltrane ou Steve Reich était infiniment plus riche. Quand mon père est décédé, bien trop jeune, nous avons laissé, à sa demande, de la musique du moment où il pousse son dernier souffle jusqu’à ce que le cercueil soit dans le caveau. Pendant trois jours, sa fidèle chaine stéréo diffusait de la musique, y compris la nuit. À la sortie de l’église une fanfare New Orleans l’a accompagné jusqu’à sa dernière demeure. Les musiciens sont entrés dans le cimetière et en sont sortis les derniers, en jouant encore. Puis on a fait une fête à la maison avec des musiciens. Comment vous dire mieux à quel point la musique est essentielle pour moi…

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